Je l’ai encore fait pas plus tard que ce matin.

Ca arrive parfois dans la voiture sur le chemin de l’école. Ou pendant le câlin du soir. En fait ça peut arriver à n’importe quel moment de la journée. Parfois, ça arrive même plusieurs fois par jour, surtout quand je suis fatiguée.

Je leur dis, « je suis désolée », « comment tu te sens ? » ou encore « est-ce qu’il y a des choses que tu voudrais me dire à propos de ce qu’il s’est passé ? »

Vous devez vous demander ce que j’ai bien pu faire pour avoir à ce point besoin de m’excuser si règulièrement.

Et bien, pas grand chose d’autre que ce que notre société considère encore, trop souvent, comme normal dans une relation parents-enfants : hausser le ton, parler sèchement, se disputer, exiger certains comportements, presser, être arbitraire et même parfois injuste…

Entre adultes, est-ce qu’on trouve toutes ces choses normales ? Evidemment non.

Et le plus souvent, quand on a conscience d’avoir dépassé les bornes, on présente nos excuses, on reconnaît nos erreurs, et les blessures qu’elles ont pu causer aussi. Ca s’appelle assumer ses responsabilités, et c’est ce qu’on attend de tous ceux qui nous entourent. Tout à fait logiquement, ça ne devrait pas être différent avec les enfants.

Pourtant, j’entends quand même souvent qu’un parent n’a pas à s’excuser, ou à se justifier quand il impose une règle, quand il punit, ou quand il crie. C’est de l’éducation tout ça, il faut bien que les enfants comprennent qu’ils ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent, quand ils veulent et avec qui ils veulent. C’est comme ça que se pose le cadre et il en va de l’autorité des parents dans cette histoire.

Ca c’est sûr, il faut bien que les enfants comprennent.

Pour autant, bien qu’ils fassent souvent des erreurs vu leur jeune âge (et ils en feront encore en grandissant, comme on en a tous fait avant eux), les enfants doivent ils porter la responsabilité des choix que nous faisons pour leur faire comprendre les règles de la vie collective ?

Si mon fils a un comportement déplacé qui me met en colère et que je réponds à ce comportement en criant, en condamnant, en usant de mots blessants ou de gestes violents, c’est ma responsabilité et seulement la mienne. Si ma fille a des paroles qui dépassent les limites et que j’utilise les mêmes méthodes qu’elle pour affirmer la règle en place, c’est ma responsabilité et seulement la mienne. Aucune action, aucune parole, ne mérite un châtiment corporel ou psychologique. On se persuade pourtant du contraire car ça nous permet d’accepter qu’on l’ait nous-même vécu étant enfants car sans ça, comment réussir à le faire ?

Nous avons tous des limites et il est absolument nécessaire de pouvoir les poser.

C’est la clé d’une vie tranquille au sein de la famille et à plus large échelle, de la société. Mais poser ses limites d’adultes face à un enfant ne devrait pas pouvoir signifier que nous sommes, d’un coup, autorisés à dépasser nous-même les bornes sous prétexte qu’il s’agit d’éduquer.

On reproche à nos enfants le ton de leurs paroles quand ils ne sont pas d’accord avec nous. Mais sur quel ton leur parlons-nous quand nous considérons qu’ils franchissent la ligne rouge ? Finalement, est-ce qu’il ne font pas exactement la même chose que nous, lorsque nous franchissons leur ligne rouge ? Car ils en ont, aussi, des lignes rouges, même si ça ne nous arrange pas.

On attend de nos enfants qu’ils respectent nos limites. Mais avant d’exiger cela d’eux, sommes nous bien certains de respecter les leurs ?

En ce qui me concerne, je m’égare parfois sur ce plan.

Parce que j’ai besoin d’être à l’heure, parce que j’ai besoin de maintenir mon organisation, parce que je suis fatiguée, parce que je n’ai pas pris assez de temps pour moi dans la semaine, parce que mon travail occupe mon esprit, parce que….Je n’apprendrai rien à personne en disant que les parents ont mille raison de vouloir que leurs limites soient respectées.

Et comme nous avons été élevés avec la croyance que les adultes doivent avoir le dernier mot, notamment pour asseoir leur fameuse autorité, nous avons également mille fois l’occasion de dépasser les bornes pour obtenir ce résultat.

Quand on crie, on dépasse les bornes. Quand on est injustes, on dépasse les bornes. Quand on tape (à n’importe quel degré : couche, main, gifle, ce que vous voulez), on dépasse les bornes. Quand on isole, on dépasse les bornes. Quand on blesse avec nos paroles, on dépasse les bornes. Quand on ne prend pas en compte le rythme de notre enfant et le temps dont il a besoin dans l’organisation du matin, on dépasse les bornes.

Comment on le sait ? Parce que si quelqu’un faisait l’une ou l’autre de ces choses avec nous, on se sentirait amers, tristes, apeurés ou blessés. Et que naturellement, on souhaiterait que la personne qui nous a infligé ça nous présente ses excuses et reconnaisse qu’elle a utilisé de mauvaises méthodes pour faire entendre son message.

Il n’y a pas de problème d’autorité à s’excuser devant son enfant.

Quelque soit son âge, on peut et on doit le faire. Nos réactions face aux comportements inadaptés de nos enfants, du bébé à l’adolescent, sont de notre responsabilité pleine et entière, on a toujours le choix. Et si on fait le mauvais parce que sur le moment on avait pas les ressources intérieures suffisantes pour faire autrement, on a le devoir de l’assumer et de demander pardon.

« Je te demande pardon d’avoir crié. J’avais besoin de te dire que ce que tu as fait n’étais pas correct, mais je n’avais pas le droit de te parler de cette façon car je ne l’accepterais pas pour moi-même. J’étais en colère et je dois apprendre à maîtriser la façon dont je me comporte avec ça. »

« Je te demande pardon de t’avoir tirée par le bras ce matin. J’avais besoin qu’on aille vite car on était en retard, mais je n’avais pas le droit d’agir sur toi de cette façon car je ne l’accepterais pas pour moi-même ».

Nous parents, faisons des erreurs, tous les jours. Comme nos enfants.

La différence, c’est que nous avons l’expérience, la maturité et le recul nécessaire pour prendre de la hauteur, et savoir intérieurement quand on a mal agi.

Demander pardon d’avoir crié, ce n’est pas dire à l’enfant qu’il a le droit de faire ce qu’il veut. C’est juste lui dire que chacun fait des erreurs, même les adultes qui posent les règles, et qu’on va travailler pour trouver comment faire autrement la prochaine fois parce que cette façon de faire n’était pas la bonne.

En s’excusant auprès de nos enfants pour toutes les choses qu’on fait de la mauvaise façon, on leur apprend à s’excuser eux-aussi quand ils comprennent qu’ils ont dépassé les bornes à leur tour. On leur apprend à assumer et à faire ce qu’il faut pour engager le processus de réparation.

S’excuser, c’est aussi pouvoir expliquer les sentiments et les besoins qui étaient vivants en nous à cet instant, et dire à l’enfant que si nous faisons de mauvais choix, ce n’est pas de sa faute, et qu’il ne mérite pas de porter cette responsabilité.

Combien de fois entend-on des adultes dire aux enfants « demande pardon à ton camarade d’avoir mal agi avec lui » ? Mais combien de fois ces mêmes enfants entendent-ils les adultes leur demander pardon quand ils ont mal agi avec eux ?

J’ai demandé pardon à mes enfants ce matin. Et je recommencerai sans doute demain.

Même si c’est pour avoir « seulement » crié.

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Pourquoi je demande pardon à mes enfants