C’est presque les larmes aux yeux que j’écris ce texte aujourd’hui.

Initialement, je m’étais mise au clavier pour vous parler du matériel que j’utilise pour mon Bullet Journal, c’est vous dire comme je n’avais aucunement prévu le texte qui va suivre. Une réaction à chaud donc, mais qui me paraît indispensable tant je suis choquée par la nouvelle que j’ai apprise ce matin.

Le Conseil Constitutionnel a censuré l’amendement interdisant les châtiments corporels sur les enfants.

Je n’y crois tellement pas que je vais répéter cette phrase : le Conseil Constitutionnel a censuré l’amendement interdisant les châtiments corporels sur les enfants. C’était hier.

A la demande de 60 sénateurs de l’opposition, le Conseil Constitutionnel avait été amené à étudier l’amendement qui avait été adopté pour compléter la loi égalité et citoyenneté, et ajoutant à la définition de la parentalité l’interdiction de tout recours aux châtiments corporels dans les pratiques éducatives. Avec cet amendement (à valeur pédagogique et ne prévoyant aucune sanction) on était entrés, enfin, après tellement d’années d’efforts des associations de protection de l’enfance, après tellement de recherches démontrant l’impact délétère des coups mêmes les plus « légers » sur le développement de nos petits, dans le cercle de plus en plus large des pays du monde abolissant les violences éducatives ordinaires.

Et puis, tout s’écroule.

Par la volonté de 60 sénateurs qui ont décidé qu’il n’était pas question de protéger les enfants. Interdire de taper les enfants ? Ben voyons, et puis quoi encore ? 60 personnes qui défendent le droit des parents à donner gifles, fessées et autres coups et qui assument donc de dire que ces actes ne sont pas des formes de violence. Gifle qui envoie pourtant « un agresseur » en garde à vue lorsqu’elle est assenée à notre Premier Ministre. Là, sur un adulte, c’est violent et ça justifie l’intervention de la justice, le battage médiatique, la qualification d’agression et l’indignation face à la violence de ce jeune homme. Mais ce même geste envers un enfant, là par contre, c’est de l’éducation messieurs-dames, frapper son enfant sur les fesses ou sur le visage ce n’est pas violent, ce n’est pas humiliant et ça ne justifie aucune mesure de protection ou de répression.

Le Conseil justifie cette décision en affirmant que cet amendement n’a pas de rapport avec la loi égalité et citoyenneté.

« La décision du Conseil constitutionnel est incompréhensible et pas éthique », commente ce matin le médecin Gilles Lazimi dans cet article du Monde.fr, qui se bat depuis de longues années pour faire évoluer la loi. « L’une des plus hautes institutions de l’Etat refuse l’idée qu’il faut interdire les violences sur les enfants, alors qu’elles sont interdites sur les adultes et les animaux. C’est la loi égalité et citoyenneté. Or, c’est bien une question d’égalité de droits pour les enfants. »

Nous en sommes donc là.

Encore une fois, la France s’illustre tristement par son état d’esprit arriéré et obscurantiste. Par son incapacité maintenant chronique à évoluer, à apprendre de ses voisins. Ah, quand il s’agit de créer de la précarité, on sait prendre exemple sur nos voisins. Mais quand il s’agit de créer de la vertu, il n’y a plus personne. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas comment aujourd’hui, en 2017, des hommes politiques peuvent encore assumer se battre pour maintenir le droit à violenter les enfants. Mais c’est quoi, ce monde ? Ça, c’est mon pays ? Celui de la déclaration des Droits de l’Homme ? Rappelez-vous, celle qui dit que tous les Hommes naissent libres et égaux en droits. Enfin, sauf les enfants, pardon. Donc en fait, tous les Hommes sont libres et égaux en droits, mais à partir d’un certain âge. Avant, mange-toi des grosses baffes dans les dents, ça t’apprendra les bonnes manières. Continue à avoir mal au coeur et corps, demande toi pourquoi les gens que tu aimes et qui disent t’aimer lèvent la main sur toi. Apprends que l’Amour se manifeste aussi par la violence. Et puis plus tard, quand tu auras été bien formaté par tout ça, tu pourras peut-être prétendre à l’intégrité de ton corps. Avant ça, accepte ta fesse qui brûle et ta joue qui picote, mais surtout tais-toi, tu n’as aucun droits. C’est les adultes qui gouvernent ton pays qui l’ont dit.

On peut bien montrer du doigt les pays du Moyen Orient et se placer en gendarmes des libertés et de la démocratie. En attendant, ces pays que l’on décrit comme moins évolués que nous ont déjà, pour certains, aboli ces châtiments corporels. Qui est l’arriéré, alors ? On ferait bien de ne pas trop faire les malins avec nos grands discours de défense des libertés fondamentales. Comment peut-on oser aller jusqu’au Conseil Constitutionnel pour faire valoir que l’absence de violences corporelles n’est pas une liberté et un droit fondamental des enfants ? Et comment est-ce possible que le dit Conseil valide cette demande ? J’écoute les infos ce matin, personne ne parle de ce revirement. Les violences faites aux enfants restent un non-sujet dans le pays des Droits de l’Homme.

Il ne faudra rien lâcher.

Et se battre, encore et encore, au côté des associations, des médecins, sur les blogs, avec nos amis, nos familles. Militer encore et encore.

En attendant, pardon. Pardon, pauvres enfants, vous serez encore frappés longtemps.

Quelqu’un a dit un jour : pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font.