Si tu découvres ce blog avec ce billet, prends quelques minutes à la fin de ta lecture pour découvrir le Campus et toutes les ressources complémentaires qu'il t'offre en accès libre en cliquant ici.

C’est un peu bizarre, ce titre, n’est-ce pas ?

Sauf si vous découvrez ce blog par ce billet, vous me connaissez déjà. Vous savez que je m’appelle Julie, que j’ai 35 ans (enfin presque, mais j’ai arrondi vous ne m’en voudrez pas), et depuis quelques temps vous savez aussi que je suis hypersensible. Depuis quelques temps, parce que jusqu’à il y a quelques mois je ne le savais pas moi-même, alors il aurait été difficile de vous le dire. Je savais qu’on était plusieurs dans ma tête – et surtout dans mon coeur – mais j’avais toujours pris ça pour une forme de défaut, comme un truc que je n’aurais jamais vraiment appris à gérer, à contrôler, alors que tout le monde savait le faire. La preuve, les autres ne débordaient pas comme moi, c’était bien que j’avais un souci quelque part.

J’ai toujours débordé.

Mais j’ai vite appris, dès l’enfance, que ma façon de vivre les émotions n’était pas souhaitable, surtout pour les autres. Donc je me suis adaptée, autant que possible, et j’ai appris à développer une sorte de contention émotionnelle permanente qui me faisait paraître « normale » et qui me préservait un peu des jugements des autres sur la nature ou la légitimité de ce que je ressentais. Respecter cette contention est tout simplement épuisant, psychologiquement, et l’effort que je devais fournir pour ça a eu bien des conséquences sur ma vie.

J’ai passé 34 ans à me sentir différente sans savoir pourquoi. J’ai passé autant de temps à ne pas avoir confiance en moi, à me demander ce que les autres allaient penser de mes réactions et à essayer de faire les choses pour plaire aux autres avant de les faire pour moi-même. J’avais besoin d’être acceptée, sans savoir comment faire à part me modeler à l’image de ce qu’on attendait d’une fille normale, dans un monde normal.

J’ai très souvent minimisé, voire tu et parfois même menti, la nature de mes sentiments. Les relations amoureuses étaient toujours une période compliquée, car quand j’avais envie de parler ce que je vivais comme de quelque chose d’extraordinaire, même quand ça ne durait que quelques mois, on me renvoyait souvent que ce n’était pas la bonne façon de vivre les choses, que j’étais « trop ». A l’inverse, les gens pensaient souvent que j’avais des relations amoureuses avec mes amis. Je me connectais parfois si profondément à eux, je nourrissais des sentiments tellement forts, que cela pouvait prêter à confusion j’imagine. Pour cela j’ai souvent été perçue comme une séductrice, dans le mauvais sens du terme.

C’était même parfois confus pour moi, parce qu’une simple amitié pouvait me faire avoir des papillons dans le ventre ou me donner envie de toucher très souvent le corps de l’autre. Un peu comme un couple, l’amour en moins cependant. Mais on me disait que c’était des symptômes amoureux alors j’ai longtemps cru être une amoureuse frivole. J’ai eu nombre de « petites histoires » qui ne duraient pas et que je pouvais arrêter du jour au lendemain. Dans ma difficulté à discerner les deux états car ce que je vivais ne correspondait pas au schéma normé habituel, j’étais celle qui pouvait dire « je t’aime » le lundi et rompre le mercredi. Pour cela j’ai souvent été perçue comme dure, insensible ou manipulatrice. Dans ces cas là j’étais « pas assez ».

J’ai passé ma vie à me cacher les yeux devant les films violents et à être perçue comme une sorte de « petite nature ». C’était gentil, les moqueries de mes copains sur mon intolérance aux giclées de sang dans Gladiator ou mon besoin de me boucher les oreilles (yeux fermés bien sûr) quand la bestiole hurlait dans Alien (je vous vois, vous avez envie de rire ! ^^) « Tu me touche le genou quand c’est fini d’accord ? Mais tu me fais pas de blagues hein, t’attends d’être sûr que c’est vraiment fini ! »

C’était gentil mais au final, cela m’a surtout amenée à me dévaloriser, à me juger, à me trouver encore une fois « trop » ou « pas assez ». Trop sensible, pas assez rationnelle.  « Franchement t’exagères, c’est de la fiction hein ». Sauf que moi quand on coupait une main au cinéma, j’avais mal au poignet et mon corps voulait s’enfuir.

Et puis j’ai eu des enfants.

Et la contention émotionnelle a lâché. Complètement. Du jour au lendemain, je vivais des tsunamis de sentiments dont j’étais incapable de comprendre la source, et que je ne savais pas comment gérer. Tout ce que je savais, c’est qu’à l’intérieur ça hurlait la panique totale, car pour la première fois je ne parvenais pas à contenir, à rentrer dans le moule des émotions normales, et à me conformer à l’image des gens normaux. Tout me faisait sur-réagir.

La fatigue immense des premiers mois était une violence intérieure supplémentaire. La musique que je pratiquais depuis si longtemps était elle aussi devenue une violence, tant elle participait à une surenchère émotionnelle que je ne pouvais absolument pas ni gérer, ni contenir. Je me suis murée dans le silence pendant trois ans. J’ai arrêté d’écouter, j’ai arrêté de jouer. J’ai cru devenir folle, en vrai. Je ne me reconnaissais plus ni dedans, ni dehors.

Mais comment aurais-je pu me reconnaître, moi qui ne me connaissait pas ? Je ne connaissais que celle que j’avais construite comme une protection pour celle que j’étais dedans. Avoir des enfants a fait voler cette armure en éclats et je me suis retrouvée là, nue et fragile, petite chose sans défense recroquevillée en position foetale.

Et puis j’ai découvert la CNV.

D’abord par la théorie en 2012, puis par la pratique en 2015. Et là, tout s’est éclairé. L’un des piliers de cette pratique est d’identifier ses besoins profonds et les émotions qu’ils génèrent. Cette découverte fut une révélation, bien plus efficace que la thérapie que j’avais engagée quelques mois plus tôt. Thérapie que j’ai bien vite arrêtée tant elle me paraissait inutile à côté de ce travail de fond qui, atelier après atelier, me faisait tout comprendre, tout voir, tout saisir de ce que j’étais et de comment je fonctionnais. Une amie de l’atelier m’a dit un soir « mais tu es hypersensible non ? ». Bonne question, je n’avais aucune idée de ce que c’était ! Pour être « hyper », encore faudrait-il avoir connaissance de ce que serait la normalité… Alors j’ai cherché, lu, discuté, trouvé et travaillé, travaillé, travaillé, travaillé.

Ma vie a alors changé du tout au tout.

Et puis j’ai compris.

Que si j’avais toujours été aussi douée pour la musique, c’était parce que mon hypersensibilité me donnait une oreille extrêmement fine, capable de tout entendre et de tout anticiper. C’est pour ça que depuis toujours j’étais capable d’improviser sur n’importe quoi, avec n’importe qui, parfois pendant des heures.

Que si j’étais capable de dire « mais si, tu te rappelles, c’était il y a 6 ans, et maman avait cuisiné ça d’ailleurs ce jour là », c’était parce que mon hypersensibilité me faisait associer les situations aux stimulations sensorielles qu’elles avaient générées : odeurs, goûts, sensations tactiles, sons.

Que si je ressentais un grand stress quand je commençais à être trop longtemps dans un endroit très bruyant ou très actif, c’était parce que mon hypersensibilité faisait que mon cerveau tolérait mal les sollicitations simultanées et cherchait à s’en extraire par tous les moyens. Y compris l’explosion de colère, les manifestations d’impatience ou la rigidité subite de mes paroles. J’ai souvent été la copine « pas super fun » qui refusait les sorties en boîte de nuit. Moi je voulais juste me protéger des stroboscopes qui étaient pour mes yeux d’une violence inouïe.

Que si j’avais des sentiments si forts pour les gens même en ne les voyant qu’une fois ou deux, c’était parce que mon hypersensibilité me faisait vivre toutes les rencontres comme une histoire merveilleuse dotée d’un champ des possibles immense, que je voulais embrasser tout entier.

Que si j’avais si souvent besoin de repli sur moi-même, ce n’était pas que j’étais égoïste, mais parce que mon hypersensibilité me transformait en empathe. Ces replis qu’on m’avait si souvent reprochés, qui me faisaient ne pas donner de nouvelles pendant un temps ou manquer des soirées, c’était juste mon besoin d’essorer l’éponge de mon coeur pour ne pas me faire avaler totalement par les émotions des autres.

Que si j’avais cette grande facilité à pleurer, c’était parce que mon hypersensibilité me faisait déborder et pas parce que j’étais « chochotte ». Déborder, c’est une image que j’aime parce qu’elle est si réelle. Mon corps d’1 mètre 80 est bien insuffisant pour contenir le flot de mes émotions, alors elles sortent comme elles peuvent et comme l’eau, elles prennent le chemin le plus intense et le plus rapide. Celui qui peut se changer en torrent. Une de mes protections principales, pendant toute ma vie d’avant, a justement été de contrôler mes larmes, de les rendre rares, voire absentes. Pour avoir trop entendu les autres les qualifier de larmes de crocodile ou me dire « tu vas savoir pourquoi tu pleures ».

Depuis que je m’autorise de nouveau à pleurer, je n’ai (presque) plus besoin de recourir aux autres moyens, bien plus violents, qui remplaçaient mes larmes.

Et tellement d’autres choses encore.

Mon hypersensibilité aujourd’hui

Je vais bientôt souffler ma 35ème bougie. En un an, j’ai changé complètement mon rapport à moi-même. Toutes ces choses que j’étais persuadée de traîner comme des défauts dont je n’arrivais pas à me défaire, sont devenues des forces, des moteurs, qui me portent dans tout ce que je fais et qui subliment mon existence.

J’ai trouvé les outils me permettant de partager tout l’amour que je tiens dans les mains depuis toujours. Je vis des relations d’une grande sincérité car je m’autorise à être vraie et contre toute attente, les autres semblent heureux d’accueillir ça. Je crois que par la dimension de mes émotions pour eux, ils se sentent exister différemment et que ça leur fait du bien. Ca me fait du bien à moi aussi, de ne plus avoir peur de dire aux autres à quel point ils me transportent parfois. Quand j’en ressens le besoin, je m’autorise désormais à leur dire comme je les trouve lumineux, comme ils sont doux pour moi, comme je me sens bien en leur présence ou ce que j’ai envie de leur offrir quand je suis avec eux. Des choses que traditionnellement on réserve au discours amoureux, car il n’est généralement pas bien vu de manifester des émotions si intenses en dehors de ce cadre.

Mon intuition déjà forte s’est décuplée.

Comprendre et accepter mon hypersensiblité m’a fait apprécier de voir chez les autres au delà de leur carapace. Pendant des années, mon empathie me faisait peur, elle me violentait car je ne voyais que ce qu’elle m’imposait de difficultés à absorber ainsi les émotions des autres. Aujourd’hui j’ai inversé la vapeur et je travaille à développer mes capacités dans ce domaine, je l’offre dès que j’en ai l’occasion, et mes amis me sollicitent aussi maintenant quand ils en ont besoin. Je sens que tous les verrous sur ce sujet n’ont pas encore sauté, mais aujourd’hui quand j’entre en protection je me vois faire et je comprends ce qui m’anime. Je peux donc choisir de réagir différemment, sans être obligée de m’extraire. Je sais dire aujourd’hui « Excuse moi, aujourd’hui je n’ai pas les ressources et je veux être pleinement disponible pour t’écouter. Alors parlons-nous demain ».

J’ai appris à aimer cette hypersensibilité car elle me rend spéciale et je suis heureuse aujourd’hui d’avoir la chance de la vivre en conscience. Elle me permet d’adapter ma vie à ma nature profonde, après avoir passé ma vie à m’adapter à des normes. Je ne me force plus à faire des choses que je sais violentes intérieurement pour moi. Si je sors avec des amis, c’est dans un endroit dont je peux m’extraire facilement pour reposer mes sens trop stimulés par la lumière et le bruit.  Je m’entoure de gens bienveillants et aimants qui nourrissent mes besoins d’amour, d’appartenance et de communion d’esprit. J’essaye d’offrir à mes enfants une éducation qui respecte leurs émotions. Je partage mes expériences par tous les moyens qui s’offrent à moi pour offrir le regard différent de l’hypersensible sur le monde.

Je me sens libre et entière. Mon coeur est mon meilleur ami.

Je m’appelle Julie, j’ai 35 ans et je suis hypersensible.

Image de couverture : Pixabay. 

Vous avez aimé ce billet ? Partagez-le sur vos réseaux 🙂

Je m'appelle Julie, j'ai 35 ans et je suis hypersensible