Etre parent est un métier compliqué.

Très compliqué. Trop compliqué ? Je me demande, des fois. Ce serait tellement plus simple si on avait un mode d’emploi. Si à chaque situation on pouvait apporter une solution universelle, sans équivoque, une sorte de recette miracle qui marcherait à tous les coups, pour tous les enfants. (Mal)Heureusement, ce n’est pas le cas. Tout comme nous adultes, nos enfants ont leur personnalité, leur individualité, leur psychologie propres. Et nous parents, on doit composer avec tout ça. Même au sein d’une fratrie, et j’en sais quelque chose depuis 2 ans maintenant que je suis qualifiée de « multipare », ce qui fonctionne avec l’un ne marchera pas forcément avec l’autre, et on est sans cesse obligé de réajuster. De (se) réinventer.

La parentalité est quelque chose qui nous touche au coeur, et dont il est somme toute difficile de parler vraiment. Parce que au delà de parler des méthodes d’éducation appliquées à nos enfants, elle parle d’abord de nous, de notre vécu, de nos schémas, de nos modèles et de notre histoire. Parler de, et réfléchir à la parentalité, c’est comme ouvrir une brèche sur ce qui nous a construit, sur notre intime.

Nous sommes parents avec notre histoire et remettre en cause des méthodes éducatives qui nous ont été appliquées, nous donne finalement la sensation de se placer en juges de nos parents et de leurs éventuelles erreurs. C’est à mon avis ce qui fait le terreau des tensions si fortes qui jaillissent entre les parents dès lors que l’on parle de la Violence Educative Ordinaire, et qui freine à ce point la mutation des pensées et des moeurs en ce qui concerne la violence faite aux enfants. Dès lors, la parentalité et plus globalement l’éducation des enfants (qui va bien au delà du champ d’application parental si l’on considère que l’école, la crèche, l’assistante maternelle etc sont également des figures éducatives de l’enfant tout le temps qu’il passe hors de la maison) reste un des rares domaines où les avancées de la recherche ont beaucoup de mal à pénétrer, à être comprises et encore plus difficilement, appliquées. Pourtant, ces dix dernières années, les neurosciences notamment ont révolutionné la compréhension que l’on a du fonctionnement du cerveau chez l’enfant, dès ses premiers jours. Malgré les découvertes colossales déjà enregistrées, les scientifiques s’accordent à dire qu’ils ne sont qu’au début du chemin, et qu’ils s’attendent à trouver encore de nouvelles choses toujours plus surprenantes. Parmi ces découvertes déjà validées, il y a notamment les conséquences de la Violence Educative Ordinaire sur l’Humain. Je dis l’Humain et pas l’Enfant, parce que ces conséquences prennent naissance dans l’enfance, mais continuent de se développer tout au long de la vie sous diverses formes. Il est admis aujourd’hui par ces chercheurs que l’Humain se développe malgré la Violence Educative Ordinaire (VEO), et non grâce à elle.

C’est, entre autres, sur la base de ces découvertes que le mouvement actuel de l’éducation « bienveillante » prend sa source. Il est pourtant bien plus ancien. Rousseau déjà, dans son Emile, avait compris que c’était en élevant l’enfant au plus haut de lui même qu’on lui donnerait la possibilité de s’épanouir pleinement et de prendre pleine possession de ses facultés humaines. Je défends ardemment ce principe, même si cela n’a pas toujours été aussi évident. Je me souviens, en 2010, avoir commenté un blog militant contre les VEO, en disant qu’il ne fallait pas exagérer avec la fessée, que tout le monde en avait eu, moi comprise, et que ça ne m’avait pas empêchée de devenir une adulte construite et plutôt bien dans sa vie. Mais au fond de moi, cette lecture avait ébranlé quelque chose. Semé comme un doute, ouvert la voie aux questions. Et si ce n’était pas aussi simple que ça ? J’ai poursuivi mes lectures, cherché des réponses dans les livres dont je voyais les titres fleurir partout. Interrogé les parents se revendiquant « bienveillants ». Et je suis revenue de mes positions sur la fessée et plus généralement sur les méthodes d’éducation appliquées à l’immense majorité des enfants de mon pays (pour mémoire, aujourd’hui encore en France, la fessée s’invite dans la vie de 84% des enfants).

Six ans plus tard, je n’ai jamais cessé mes recherches ni d’approfondir cette question et si je n’ai plus jamais remis en doute la nécessité d’une éducation sans fessées, sans punition ni récompenses – et plus généralement sans supériorité de l’adulte sur l’enfant,  je suis toutefois également revenue du terme d’éducation « bienveillante », auquel je préfère largement le terme d’éducation « alternative », puisque c’est ce qu’elle est aujourd’hui : une méthode alternative à la méthode « traditionnelle ». C’est l’objet de ce billet, qui m’a été inspiré par le texte de Je ne suis pas une poule, un blog que j’ai découvert récemment et qui me plaît bien, auquel je souhaite répondre par le biais de cet article. Mes excuses pour cette immense introduction, je ne pensais pas faire si long ! Je vais donc scinder ma réflexion en deux parties pour qu’elle soit plus digeste.

Dans la seconde partie,

qui sera publiée vendredi, nous aborderons pourquoi je préfère parler d’éducation « alternative », et nous poserons un certain nombre de questions visant à rétablir une perception souvent erronée de cette éducation, ou à détricoter des idées reçues. Nous évoquerons également la nécessité de la coopération entre les parents, ainsi que les sources et ressources existantes permettant de trouver des informations, du soutien, des pistes et des moyens d’évolution (que je vous invite d’ores et déjà à compléter ici en commentaires : ouvrages, études, liens, pages facebook, blogs…toutes vos idées sont les bienvenues, plus on est de fous plus on rit s’instruit !)

Image : mes enfants ! Merci de me demander l’autorisation avant utilisation
dans tout autre cadre que le partage de ce billet.