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Hello hello !

Voilà un moment que ce billet était au programme, et ma dernière séance d’atelier CNV, mercredi dernier, ayant traité de ce thème il est temps qu’on en parle ensemble ici 🙂 J’en suis à la 5ème lecture du livre de Marshall B.Rosenberg Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs). Cinq lectures en 2 ans et toujours autant de découvertes, c’est dire comme la CNV est un cheminement qui demande de prendre le temps. Le temps de réaliser, de comprendre, puis d’essayer d’appliquer…et comme on tâtonne beaucoup lorsqu’on apprend une langue étrangère, on tâtonne beaucoup lorsqu’on apprend la CNV.

La bonne nouvelle, c’est que petit à petit les progrès se font sentir, on se rend compte un matin qu’on ne se souvient plus de la dernière fois où on a utilisé certaines tournures « non CNV » qu’on utilisait bien trop souvent avant. Si vous êtes engagé-e ou souhaitez vous engager dans cet apprentissage, ne lâchez rien même quand vous avez la sensation de ne pas y arriver. C’est normal, votre chemin comme le mien est loin d’être terminé. La CNV demande de déconstruire tout un schéma mental pour le remplacer par un autre et ce sont des décennies d’habitudes qu’il faut changer petit à petit. Ca ne se fait pas en un jour, ni même en 100 !

La semaine dernière donc, nous avons abordé le chapitre 5.

Assumer la responsabilité de ses sentiments, c’est son titre, et je vais tenter de vous expliquer ce qu’il signifie car c’est, avec le chapitre 3 Observer sans évaluer, un pilier fondamental dans la pratique de la CNV. Depuis que j’ai compris et intégré ce chapitre, ma perception des relations que j’ai avec les autres, que l’on parle de ma famille, de mes amis ou de parfaits inconnus a complètement changé. Cela ne signifie pas que je ne me trompe jamais, parfois les vieilles habitudes reviennent au galop mais contrairement à ma vie d’il y a quelques années, je me vois immédiatement faire et mon petit voyant « warning CNV » clignote instantanément quand je m’éloigne des principes de ce chapitre 5.

Ce que nous avons l’habitude de dire

Dans le mode de communication que l’on appellera « ordinaire » ici car c’est celui que tout le monde pratique, nous avons pour habitude de faire porter aux autres la responsabilité des sentiments et émotions que nous ressentons. Par exemple :

  • Tu me mets en colère
  • Ma voisine me déçoit
  • Il me rend triste

Mais le concept marche aussi pour des sentiments ou émotions tout à fait positifs :

  • Tu m’émeus
  • Elle me rend heureux
  • Il m’enthousiasme

Le point commun de toutes ces phrases, c’est que l’on désigne l’autre comme le responsable de ce que l’on ressent. Je vous laisse méditer un petit instant là-dessus.

Vous êtes en train de vous demander où je veux en venir c’est ça, ou encore ce que j’ai fumé ce matin ?

Parce que évidemment que c’est bien votre mari qui vous a mis-e en colère, ou votre voisine qui vous a déçu-e, ça ne va quand même pas être de votre faute si les gens font n’importe quoi ?

Ce que dit la CNV

En CNV, on part du principe que chaque humain a des besoins profonds et fondamentaux, et que ces besoins sont universels. Rosenberg les présente de cette façon :

  • Autonomie (liberté de choisir ses rêves, ses projets de vie, ses valeurs ; liberté de choisir son plan d’action pour les réaliser)
  • Célébration (célébrer la création de la vie et les rêves réalisés ; célébrer le deuil des êtres chers, des ambitions déçues, etc)
  • Intégrité (authenticité, créativité, estime de soi, recherche de sens)
  • Interdépendance (acceptation, amour, appartenance communautaire, appréciation, chaleur humaine, compréhension, confiance, contribution à l’épanouissement de la vie [ = exercer pleinement ses talents au service de la vie], délicatesse / tact, empathie, honnêteté / sincérité, proximité, respect, sécurité [= affective, matérielle…], soutien )
  • Jeu (amusement, rire)
  • Communion spirituelle (beauté, harmonie, inspiration, ordre, paix)
  • Besoins physiologiques (abri, air, eau, expression sexuelle, mouvement / exercice, nourriture, protection contre ce qui menace la vie [ = virus, bactéries, prédateurs…], repos, toucher / contact physique )

Cette liste n’est pas exhaustive. La CNV propose que toute émotion ou tout sentiment qui nous traverse ne soit plus analysé en fonction des actions de la personne que nous pensons responsable de leur source, mais à la lumière de cette liste de besoins. Exemple :

Martine rentre du travail. Elle arrive impatiente de retrouver son mari et son cocon familial. Elle trouve son mari occupé à ranger son bureau, il l’embrasse rapidement puis retourne à ses affaires. Après le dîner devant un film, elle se blottit contre lui mais son mari reste captivé par ce qu’il regarde. Au moment de se coucher, devant sa mine contrariée, son mari lui demande « quelque chose ne va pas ? ». Elle lui répond alors « et bien, je suis déçue parce que tu es un peu distant ce soir ».

A votre avis, quelle est la suite du scénario ?

Il y a une probabilité considérable que le mari, se sentant mis en cause, cherche une façon de se défendre, ce qui risque de faire monter la mayonnaise. Martine fait en effet comprendre à son mari que son attitude ne lui plaît pas, et que c’est sa distance qui provoque chez elle de la contrariété.

Mais est-ce vraiment le comportement du mari qui pose problème ? Est-il vraiment distant, ou bien est-ce une perception de Martine qui, ce soir, avait un besoin précis plus marqué qu’à l’ordinaire que l’attitude de son mari ne suffit pas à combler ? En reprenant la liste des besoins ci-dessus, on pourrait imaginer par exemple qu’après une journée de travail éprouvante, Martine se sentait fatiguée et fragile, et qu’elle avait donc un besoin de proximité (interdépendance) et de toucher (besoins physiologiques) plus important que d’habitude pour se sentir en sécurité et s’apaiser. Son mari lui, n’a pas spécialement changé son comportement mais Martine a vécu cela comme de la distance de sa part.

Voyez-vous où je veux en venir ?

Reformulons la même scène avec le prisme des besoins :

Martine rentre du travail. Elle trouve son mari occupé à ranger son bureau, il l’embrasse rapidement et retourne à ses affaires. Le soir devant un film, elle se blottit contre lui mais son mari reste captivé par ce qu’il regarde. Martine ne se dit pas que son mari est distant, elle choisit d’écouter ses besoins et se rend compte qu’elle se sent triste parce que ce soir, elle a particulièrement besoin de proximité et de toucher pour se sentir en sécurité et apaisée. Elle peut alors demander ce qui contribuerait à son bien être (attention teasing du titre du chapitre siiiiiix !) :

Chéri, j’ai eu une journée éprouvante et j’ai besoin d’être plus proche de toi, j’aimerais que tu me prennes dans tes bras pendant qu’on regarde le film, tu veux bien que je me mette là, toute serrée contre toi ?

Dans ces conditions, il y a peu de chances que la réponse soit non. Au contraire, il y a de bonnes chances que le mari se rende compte que ce soir sa femme n’a pas l’air dans son assiette et qu’il lui donne les gestes tendres dont elle a besoin pour se sentir mieux. Et si c’est quand même non, que fait Martine ? On verra ça en détails quand je vous parlerai du chapitre qui traite de la différence entre la demande et l’exigence ^^

Le cas des relations parents / enfants

Dans le langage ordinaire, nous avons mille et une occasion de rendre les enfants responsables de notre état.

  • Je suis en colère parce que tu ne ranges pas ta chambre
  • Je suis déçue parce que tu as raté ton épreuve
  • Je suis stressée parce que tu parles trop
  • ….

Qu’on s’adresse aux adultes ou aux enfants, le fait de rendre l’autre responsable de notre état a plusieurs effets indésirables

  • l’autre pense que c’est lui le problème, ce qui fragilise fortement la confiance en soi
  • l’autre peut se sentir coupable, et vouloir se défendre -> naissance du conflit : « Ouais ben c’est MA chambre t’a qu’à pas y rentrer !  » Ce à quoi le parent peut répondre « Ne me parle pas comme ça !!! » et ainsi de suite, je pense que tous les parents ont eu ou auront à faire face à ce genre de situations désagréables pour tout le monde.
  • l’autre pense que son rôle est de prendre en charge les émotions de ceux qui l’entourent. Il ne peut donc pas être lui-même, puisqu’il ne doit agir que pour ne pas blesser / ne pas fâcher / ne pas décevoir quelqu’un. Or, ces concepts sont variables d’une personne à une autre, ce qui oblige à être en ajustement permanent au détriment de nos propres besoins.

A noter que nous sommes tous l’autre de quelqu’un…

Ainsi, plutôt que de dire à un enfant « Je suis en colère parce que tu ne ranges pas ta chambre », on pourrait dire « Quand je vois la chambre en désordre, je suis en colère / je me sens énervé-e parce que j’ai besoin d’harmonie dans ma maison / de savoir que je vais pouvoir nettoyer quand c’est nécessaire / de pouvoir circuler facilement pour aller ouvrir les fenêtres (mettre ici le besoin qui vous convient dans une telle situation !). Ce serait vraiment génial pour moi de laisser au moins un passage vers les endroits importants, c’est ok ?  »

Je vous ai peut-être (re)perdu-e-s ? Ou bien vous êtes déjà affolé-e-s par la longueur de la phrase…c’est sûr que c’est plus rapide, et plus simple, de se contenter d’un « Je suis en colère parce que tu… » plutôt que de prendre la responsabilité de notre émotion et le temps de l’exprimer. Or on aurait tout intérêt à le faire car c’est dans cette configuration que peut naître l’empathie et la coopération. Sans ce processus, on entre dans un système de reproche / défense qui coupe la communication et nous fait entrer dans le conflit, direct (dispute, cris, punitions…) ou indirect (l’action est faite mais avec la rancoeur qui naît de la contrainte, et ces émotions négatives finiront par ressortir, plus tard, sous forme d’un nouveau conflit).

Pour résumer

  1. Nous avons tous des besoins qui sont les sources de nos émotions. L’autre est éventuellement un facteur déclenchant en ce qu’il vient heurter notre besoin, mais il n’est pas responsable de l’émotion que nous vivons, elle nous appartient en totalité. J’en veux pour preuve que face à une même personne qui aurait un comportement X ou Y, je pourrais être en colère quand vous seriez amusé-e. Ce n’est donc pas l’autre qui est un problème, mais bien nos besoins inassouvis face à telle ou telle situation.
  2. « Je suis / je me sens …… parce que tu …… » fait porter la responsabilité de nos émotions à l’autre et crée des réactions de culpabilité, de baisse d’estime de soi, de défense ou d’agressivité qui amènent au conflit direct ou indirect.
  3. « Je suis / je me sens …..parce que j’ai besoin de …… [suivi d’une demande] » nous fait assumer la responsabilité de nos émotions au regard de nos besoins profonds et permet de demander ce qui contribuerait à notre bien-être pour susciter l’empathie et la coopération.

Evidemment, tout ne s’arrête pas là

On peut effectivement essuyer un refus une fois la demande posée, par exemple. Dans ce cas, peut-être faut-il s’interroger pour savoir en quoi notre demande interfère avec les besoins de l’autre…et là vous seriez en droit de me dire « non mais on n’a pas toute la journée quand même pour aborder chaque sujet ! ». Certes. Mais on aura pourtant toute la journée pour se faire la tête une fois le conflit posé, ou pour ressasser de la colère ^^ Au final, qu’on parle de la famille, des amis, du travail…nous aspirons tous à des relations apaisées et à ce que nos besoins soient pris en compte, ce qui signifie que nous devons aussi prendre en compte les besoins des autres, quand bien même ils nous feraient sortir de notre zone de confort. Sans quoi, nous fonctionnons dans un schéma de dominant / dominé qui n’est profitable à personne.

Ce chapitre est complexe

J’en ai bien conscience, j’ai mis du temps à l’intégrer. Je crains de ne pas avoir été aussi claire que je l’aurais voulu dans ma démonstration, n’hésitez pas à me poser vos questions en commentaires si il y a des choses que vous ne comprenez pas. Et si jamais cette lecture suscite chez vous une émotion, positive ou négative, ou un sentiment, amusez-vous à l’analyser via le prisme des besoins. Qu’est-ce qui, dans la liste plus haut, fait écho à ce que vous ressentez ? Si vous avez envie de tester en commentaire une réaction à la forme « quand je lis ton article, je me sens …. parce que je ….. » n’hésitez pas, c’est un bon exercice !

A bientôt les ami-e-s !

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[CNV] Assumer la responsabilité de ses sentiments

Image : pixabay