En juillet avec Lou, nous avons vécu un beau moment au supermarché.

Oui, supermarché et beau moment sont des termes compatibles ^^ J’ai très envie de le partager avec vous car il symbolise très bien, pour moi, toute la puissance de l’empathie que l’on accorde aux enfants, et pourquoi la question de l’auto-empathie va bien plus loin que la simple identification de ses sentiments et besoins (même si en soi, c’est déjà énorme). Voyons déjà un petit rappel de ces deux concepts en CNV :

L’empathie consiste à offrir à l’autre un espace d’expression dans lequel il est pleinement écouté. Il ne s’agit ni de consoler, ni de conseiller, encore moins de juger ou d’évaluer, mais bien d’accompagner les sentiments et émotions exprimés pour leur offrir ensuite un miroir.

Ce miroir permet ensuite à celui qui s’exprime de descendre, sous les émotions, jusqu’aux besoins qui l’animent. La personne qui écoute ne cherche pas à solutionner le problème ni à tomber forcément juste lorsqu’elle suggère un besoin lié aux émotions exprimées. Elle soutient simplement la personne écoutée afin qu’elle trouve elle-même, en elle, ce qui est vivant à cet instant.

Pour ce faire, la personne qui écoute reformule, sous forme de questions, ce qu’elle entend. Vous en aurez un exemple concret un peu plus loin dans le billet avec l’échange entre Lou et moi au supermarché.

Sylvie Malo, formatrice CNV certifiée du Québec, rencontrée pas plus tard qu’hier au château d’Alleret lors de ma visite découverte à l’association Le Petit Prince, utilise une expression qui me plaît beaucoup pour définir les effets de l’empathie : ramener celui qui parle dans son pouvoir.

L’auto-empathie répond aux même principes, à la différence près que c’est un soutien et un accompagnement que l’on s’offre à soi-même. Il s’agit là d’acquérir un vocabulaire des sentiments nous permettant d’identifier précisément ce que l’on vit, pour atteindre ensuite une conscience fine de nos besoins, et de la place qu’ils prennent en nous à un moment précis.

Dans un second temps, l’auto-empathie est une clé importante dans l’expression bienveillante de nos limites car elle permet d’exprimer ce qui nous pose problème en parlant à la première personne (« Je me sens frustrée parce que j’ai besoin de calme et il y a beaucoup trop de bruit ici« ) plutôt qu’en accablant l’autre (« Allez jouer ailleurs, vous êtes épuisants !« ). Pour mieux comprendre la différence entre ces deux formulations, je vous invite à (re)lire mon billet « Assumer la responsabilité de ses sentiments ».

Quand nous sommes face à un choix, nous vivons bien souvent une simultanéité de besoins.

Cela signifie qu’en nous, à un instant I, plusieurs besoins peuvent être présents en même temps. La difficulté du choix relève, entre autres, d’une difficulté à évaluer lequel de ces besoins est plus vivant que les autres sur l’instant.

Sur l’instant, car nos besoins sont mouvants, et leur degré de priorité aussi au cours de la journée. Vous avez sans doute déjà constaté qu’un besoin de repos, très présent à un moment, peut l’être beaucoup moins deux heures plus tard, ou l’était beaucoup moins deux heures avant. L’auto-empathie permet notamment de vérifier l’état de nos besoins, aussi nombreux qu’ils soient simultanément.

Choisir entre deux magazines.

C’est le choix cornélien que ma fille de 7 ans a eu à faire au supermarché il y a trois semaines. J’avais dit oui pour un magazine, et voilà qu’il y en avait deux entre lesquels elle ne parvenait pas à choisir : un J’aime Lire édition été spécial jeux, et un magazine sur les sirènes avec en cadeau une boîte de 9 bagues et un bâton de rouge à lèvres.

Situation visiblement difficile, qu’elle a d’abord tenté de solutionner en me demandant d’accepter d’acheter les deux, ce à quoi j’ai répondu que ce n’était pas possible.

En la voyant insister au bord des larmes, j’avais deux options :

  1. placer ma règle en priorité, jusqu’à ce qu’elle se résigne à l’accepter ;
  2. aller chercher ce qui rendait ce choix si compliqué pour ensuite l’aider à dépasser la situation.
  3. une troisième option aurait été de l’inciter à choisir ce qui me paraissait le plus pertinent, mais ça aurait été la priver de sa liberté d’aimer et d’entretenir ce qu’elle trouve bon pour elle-même. Et ça, j’essaye au maximum de ne pas le faire.

Dans le cas n°1, il y a de grandes chances que les choses terminent assez mal : aux prises avec sa difficulté, l’enfant vit de la panique, de la frustration ou de la colère, porte ouverte sur ce que les adultes appellent le caprice (l’enfant qui ne démord pas du fait qu’il veut deux magazines au lieu d’un et le fait savoir par les pleurs, les exigences, voire les cris). Issue la plus probable : le parent repose les deux magazines. « Bon et bien on n’en prend aucun et le problème est réglé ! ».

Réglé ? Pas si sûr ! L’enfant se retrouve finalement privé de quelque chose qu’on lui avait indiqué comme possible, ce qui installera probablement de l’amertume, de la tristesse, voire de l’injustice pendant un temps assez long. Et le parent se trouve en colère, excédé ou agacé, autant que démuni de ne pas être parvenu à vivre la situation de façon fluide et agréable. Relation perdant-perdant. L’enfant n’aura pas non plus trouvé de quoi améliorer ses facultés à choisir. A la prochaine situation similaire, le problème risque de se reproduire.

Dans le cas n°2, on peut écouter ce qui rend le choix difficile pour l’enfant, en se plaçant en miroir des sentiments et besoins. Voici le dialogue que j’ai eu avec Lou devant le rayon des magazines :

– Je vois que tu as envie de pleurer quand tu dois choisir entre les deux. C’est difficile pour toi de décider lequel tu vas prendre ?
– Oui très. Je veux vraiment les deux.
– Je comprends, tu les trouve intéressants tous les deux. Qu’est-ce que tu aimes bien dans celui des jeux ?
– J’aime bien les sudoku et les mots fléchés
– Ca t’amuse de faire ces jeux ?
– Ca m’amuse surtout de jouer avec mon cerveau
– Ah oui, comme quand on fait les énigmes dans la voiture. Tu aimes bien jouer à réfléchir. Qu’est-ce que tu aimes d’autre dans ce magazine ?
– C’est tout, juste pouvoir jouer avec mon cerveau.
– Ok. Tu te souviens que pour ça tu as déjà un petit livre de Sudoku dans tes affaires ?
– Ah oui c’est vrai.
– Et dans le deuxième magazine, qu’est-ce que tu aimes ?
– Les bagues et le rouge à lèvres.
– Est-ce que c’est important pour toi d’avoir des bagues et du rouge à lèvres aujourd’hui ?
– Oui, parce que c’est comme toi quand tu mets du vernis, ça te rend encore plus belle (merci ma fille^^).
– Et tu te sentirais encore plus belle avec ces bagues et ce rouge à lèvres ?
– Oui, je serais vraiment jolie avec une bague sur tous les doigts. Et le rouge à lèvres c’est la même couleur que mon débardeur.
– Ok, tu as besoin d’être coquette en fait ?
– Oui j’aime bien être coquette.
– Je peux très bien comprendre ça, j’aime bien moi aussi. Est-ce que tu aimes autre chose dans ce magazine ?
– Non.
– Donc si c’est dur pour toi de choisir, c’est parce que en ce moment tu voudrais pouvoir jouer avec ton cerveau et en même temps tu as envie être coquette. C’est ça ?
– Oui.

Pause analyse : vous trouvez que ce dialogue est long ? Il l’est. L’empathie, ça demande d’offrir à l’autre un espace-temps. Ici, trois ou 4 minutes je dirais. Pendant ce temps, on offre à l’enfant une réelle reconnaissance de sa situation : nous adulte avons posé une règle, mais forcément cette règle a un impact. Ici, un conflit intérieur, et ce n’est pas parce que l’enfant a 7 ans que ce n’est pas important et que ça ne mérite pas que le vécu soit pris en compte.

– Maintenant j’aimerais que tu fasses quelque chose. Ferme les yeux et écoute à l’intérieur, comment l’envie de jouer avec ton cerveau et l’envie d’être coquette prennent leur place. Qui gagne ?
– *Quelques secondes passent* Ah ben c’est coquette c’est sûr !
– Ah chouette ! Du coup qu’est-ce qu’on fait ?
– Ben je repose les jeux !

Elle est repartie toute contente.

Et moi aussi ! Dans cette situation, l’empathie a permis l’instauration d’un échange gagnant-gagnant : de mon côté, l’indication « un seul magazine » était respectée, sans avoir besoin de rentrer dans un conflit m’obligeant ensuite à adopter des attitudes arbitraires.

De son côté, elle avait réussi d’une part à comprendre pourquoi c’était si compliqué de choisir, en prenant conscience de la simultanéité de ses besoins à cet instant. Mais aussi à déterminer lequel des besoins était prioritaire. Elle s’est « auto-empathisée » comme j’aime le dire.

On dit souvent que choisir c’est renoncer.

Je préfère définir le choix comme une façon d’aller vers le besoin qui est le plus fort sur l’instant, tout en ayant conscience de celui ou ceux qui étaient présents au même moment. Il y aura l’espace, plus tard, de combler ceux-ci si c’est vraiment nécessaire. Dans le cas de Lou, ce fameux besoin de jouer avec son cerveau trouvera écho quelques heures plus tard, dans son petit magazine de Sudoku qu’elle possédait déjà.

Bien sûr, ce processus n’est pas le seul qui permette de choisir.

C’est juste un des effets secondaires de l'(auto)empathie, qui peut débloquer ainsi bien des situations, en maintenant un rapport gagnant-gagnant qui satisfait tout le monde. Je vous invite à l’expérimenter pour en mesurer la portée !

Si vous découvrez ces concepts d’empathie et d’auto-empathie, il sera peut-être nécessaire d’élargir votre vocabulaire pour identifier sentiments et besoins, car notre langage courant se contente d’un nombre de mots très restreint, qui ne permettent que peu de nuances.

Le téléchargement de l’ebook gratuit « Exprimer ses limites avec bienveillance » (disponible également sous le billet et dans la colonne de droite sur cette page) vous donne également accès à 3 outils délivrés par email dans les jours suivant votre téléchargement. Parmi eux, une liste (non exhaustive mais déjà assez riche) de sentiments et besoins que vous pourrez réinvestir dans vos expérimentations.

Et vous, comment aidez-vous vos enfants à choisir ?

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Aider les enfants à choisir grâce à l'(auto)empathie