Mes enfants viennent de partir.

Pour une semaine chez leur papa, comme d’habitude depuis des mois : une semaine chez lui, une semaine chez moi. Ils me manquent déjà et comme d’habitude, quand je vais leur téléphoner dans deux ou trois jours, j’aurai un peu envie de pleurer en entendant ma fille me raconter ses dernières acrobaties que je n’aurai pas vues, ou mon fils me demander de sa petite voix « c’est quand maman je viens chez toi ? ».

Et pourtant hier soir, après la énième bagarre de la journée pour un Légo et avoir répété 25 fois de ne pas sauter sur le canapé, je me suis dit « mais VIVEMENT demain ! ».

Depuis 5 ans, ma vie de mère n’est qu’une grande histoire d’ambivalence. Partagée entre l’amour fou pour ces petits humains pleins de vie, et l’envie régulière de revenir à mon état « d’avant-mère ». Quand j’étais libre comme l’air. Ce ne sont pas des constats qu’il est facile d’exprimer dans notre culture où l’on nous dit sans cesse que faire des enfants est un aboutissement, le summum du bonheur, la démultiplication de l’amour, et tant d’autres choses tellement merveilleuses. Bien sûr, avoir mes enfants c’est merveilleux, ils sont merveilleux, leur innocence est merveilleuse, leur amour infini pour moi est merveilleux, leurs découvertes et leurs apprentissages de chaque instant sont merveilleux. Je les aime tellement, bien sûr. Et je donne tout ce que j’ai pour être, chaque jour, une meilleure maman pour eux.

Mais c’est dur, pour moi, d’être mère.

C’est dur, parce que cela a aussi signifié entrer dans une période sombre dont je n’ai pu sortir qu’au prix de cette famille que j’avais appelée de mes voeux. C’est dur, parce que l’arrivée de mon deuxième enfant a été un séisme dont je finis tout juste de me relever. C’est dur, parce que quand on m’assurait qu’un nouveau bébé venait démultiplier l’amour maternel, moi je me retrouvais à ne pas savoir comment faire pour aimer cet enfant sans devoir rejeter le premier, et inversement. Aujourd’hui, quand je vois à quel point je suis proche de mon fils de 3 ans et tous les petits gestes câlins que l’on partage au quotidien, je ressens à la fois beaucoup de joie d’avoir enfin pu surmonter cette époque aux airs de tunnel interminable, mais aussi beaucoup de tristesse. Pour ma fille qui n’aura pas eu droit à cela au même âge, quand je venais d’accueillir son petit frère, que j’étais tellement perdue face à ces deux petits qui me fragilisaient et que je n’arrivais plus à accepter. Fort heureusement, le lien à ma fille s’est reconstruit, et nous avons retrouvé notre proximité.

Il m’aura fallu travailler, travailler, et travailler encore, pendant des mois, pour comprendre d’où me venaient ces émotions que les mères ne sont pas censées avoir. Ou plutôt, que beaucoup de mères ont mais qu’on leur demande de taire parce que ce n’est pas ainsi que notre culture accepte de représenter et de transmettre la maternité. De fait, quand on travaille sur ces états émotionnels, on est souvent seules et quand on tente d’exprimer ces difficultés, on est souvent incomprises. Avancer et accepter n’est pas facile. Je me demande combien de dépressions post-partum seraient évitées, combien de liens parents-enfants éviteraient d’être brisés, si on autorisait les parents et surtout les mères, à ressentir ces émotions taboues sans être jugées, ou socialement condamnées. Combien de mères se sont déjà senties anormales face à des pensées de ce type ? Et c’est à force de lutter contre leurs émotions, de se condamner elles-même, qu’elles finissent par sombrer, épuisées par le poids immense de la culpabilité. Alors qu’il suffirait d’accepter, collectivement, que ces émotions existent. Alors qu’il suffirait d’être bienveillant, et d’aider les mères à comprendre pourquoi une telle tornade sévit en elles. Et comment la surmonter.

Il n’y a pas de hasards, il n’y a que des rendez-vous…

Il semblerait que c’était le jour pour écrire ce billet qui pourtant me trotte dans la tête depuis un petit moment. En quelques jours, je n’ai fait que tomber « par hasard » sur des textes, des articles, des discussions, des posts facebook qui parlaient des ambivalences de sentiments amenés par la parentalité. Un jour éperdus d’amour pour nos petits, le lendemain à se demander si vraiment on était faits pour devenir parents. Et puis cet après-midi, en amenant mes enfants à un anniversaire, une discussion rapide avec deux mamans, et ce sujet qui est encore revenu. Je me suis dit qu’il était temps de répondre aux signaux de fumée.

J’assume ces ressentis, même s’ils me font parfois mal car je reste malgré tout conditionnée en partie par ma culture du parent inévitablement comblé. Je garde une part de culpabilité qui me fait, de temps en temps, me demander si je suis vraiment normale d’être parfois soulagée de voir mes enfants partir pour la semaine. Je sais pourtant que très vite, je vais compter les jours avant leur retour, et attendre comme le Père Noël la première heure de leur présence où on ne compte plus les câlins de retrouvailles. Et les jeux, toute la semaine, les sorties au lac, les sessions de coloriage, les chantiers de construction de la plus grande tour du mooooooonde, et les séances de coiffure de poupées. Et les histoires du soir, au son des Monsieur Madame ou des contes enchantés.

Et puis un jour de trop plein de fatigue ou parce que je n’aurai pas pu prendre 5 minutes de temps pour moi, les règles à rappeler et autres chamailleries à répétition continueront à me faire dire « VIVEMENT lundi ! ». J’essaye d’accepter que je suis mère de cette façon. Et je voudrais dire à toutes les mères qui me lisent et qui vivent elles aussi cette ambivalence de sentiments, qu’elles sont de bonnes mamans. Et surtout, qu’elles ne sont pas seules.

Belle semaine à tous et toutes <3

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Image de couverture : Pixabay